Bienvenue sur ce site consacré à mon travail.

J’ai décidé de rédiger moi-même ce texte de présentation même si l’exercice est délicat car ce que j’ai à formuler est inhabituel.
Les textes spécialisés des revues d’art, émaillés de virtualités dithyrambiques, transcripteurs de visuels satellites d’un quotidien absurde, me paraissent faire l’article ou rendre leur copie aux milieux autorisés. Puisqu’il me faut évoquer engagement et cheminement personnel, je dois dire qu’il est advenu dans ce parcours un évènement central et déterminant. De ce vécu original ont découlé, bon gré mal gré, tous mes choix principaux et secondaires. La prise en compte de ce fait explique la singularité de ma démarche plastique et en permet la lecture spontanée. En tous cas, elle fonde la légitimité de cette tentative de communication.

En 1974 à Chartres, ville où je suis né, j’ai vécu une expérience non dénuée d’humour. J’avais quatorze ans et la conjonction de divers facteurs m’a conduit dans une sorte de piège sublime, débouchant sur ce que j’appellerai la grande aventure intérieure du retour à l’origine. J’ai « consumé » le plus beau jour de ma vie mais, le lendemain, la porte à nouveau close, le monde n’était plus qu’une prison sordide. Par autoprotection j’ai tenté en vain de dénier le cadeau, de réactiver mon jeune ego afin de le réinsérer dans la bataille globale, le rassurer d’un avenir. Aussi bien ai-je rejoint le compagnonnage dès 1975 où j’ai suivi une longue formation au métier de tailleur de pierre.

Pendant 28 ans, j’ai du entreprendre un long travail de digestion, abreuvé de deux représentations de la réalité apparemment contradictoires, et reconsidérer toutes les pseudo évidences du vivant : individualité, corps, matière, historicités du genre : scientifique, religieuse, culturelle… ne pouvant compter que sur quelques outils : un peu de bon sens, de l’instinct, de l’honnêteté intérieure.
Un ouvrage d’Henri Corbin m’a aidé à ne pas perdre pied, comme quoi un livre peut suffire à sauver une vie. Sur de nouvelles fondations j’ai pu constituer ma propre culture et considérer cette initiation involontaire comme une potentialité rarissime mais naturelle. Je sais désormais que de nombreux témoignages relatant la même expérience ont été laissés dans l’histoire, et je conçois la pérennité d’une chaîne dont les maillons ne se croisent pas nécessairement. Un grand nombre d’entre eux sont restés parfaitement inconnus de leurs contemporains.
Depuis ce jour premier, il n’y avait qu’une prescription, non suivie pour des raisons évidentes, celle d’oser raconter l’aventure sans se préoccuper du reste. Aujourd’hui, la maturité aidant, je ne crains plus d’aborder le sujet et j’entends bien exprimer cette conception de la vie aussi librement que d’autres.

En 1992, contraint par les circonstances familiales à renoncer à une entreprise artisanale stable, j’ai commencé à envisager timidement l’activité artistique comme support possible de mes récapitulations intérieures. Parce que le volume est lié au réel comme l’image au virtuel, la sculpture s’impose naturellement, d’autant que la notion de « concret » est toujours objet de toutes spéculations et sujet du principal problème.
Le pied du mur fut basique et solitaire, ou comment retransmettre les connexions entre subtil/épais, originel/reflet, enfin, l’omniprésence d’une symbolique telle que même l’homme industriel produit inconsciemment du symbole. Les œuvres témoignent du développement des techniques, de l’auto alphabétisation nécessaire – quelques points ciblés et tellement d’aspects non encore évoqués.
Je garde toutes libertés en ce qui concerne la suite, toutes postures à considérer y compris ce que j’entends par « voie négative » ; certains projets ou installations ne peuvent être réalisés qu’en résidence ou en centre d’art. Enfin, il y a l’inspiration pure et simple, qui, après quinze ans de pratique, peut se passer de tout cadre.

Avec mon enthousiasme, et mes inquiétudes,
Fraternellement,

Marc OLIVIER